Pont-en-Clerves
Cela faisait maintenant plus de 7 heures que le convoi avait quitté Valis. Le brouillard et un froid peu intense mais soutenu par un léger vent achevait de couronner un tableau déjà bien sinistre. Le repas de midi n’avait pas été un moment d’intenses échanges, chacun avait mangé dans son coin. En effet, durant cette halte l’atmosphère s’était avérée plutôt morose. Valdéris priait à voix basse, les yeux clos, une main serrée autour de son symbole sacré, l’autre tenant un livre de prières. Valdéril quant à elle, lisait un livre de contes emprunté à un des caravaniers avec un détachement maintenant coutumier. Rek, échaudé par les rebuffades de l’ensorceleuse avait remis sa tentative à plus tard et il devisait avec Fjald. Les duex compagnons dégustaient une chope de bière en discutant de temps à autre discrètement. Gisoril restait emmitouflé dans son manteau attendant le retour de Brân qui était parti inspecter les environs. Daphnee, elle, s’entraînait à quelques passes d’arme contre le Chevalier Brouillard… Finalement, il n’y eut guère que Fastock qui gigotait d’un caravanier à l’autre pour connaître les dernières nouvelles, mais il est vrai que pour un barde la connaissance est vitale (les rumeurs aussi).
A présent que la journée tirait à sa fin, s’ajoutait à cette ambiance morose la fatigue d’un voyage passé dans la vigilance la plus stressante qui soit.
- « la peste soit de ce brouillard ! » jura Fjad, bientôt suivi par un « jamais dit que c’était une mauvaise idée » de Rek…
Valderil était dans le chariot de tête et son air semblait aussi inquiétant que si une horde de monstres s’était tapis dans les futaies que l’on pouvait distinguer au delà du chemin dans la brume… Du moins c’est ainsi que le voyait Fastock qui ne se sentait pas trop à l’aise sur cette route. Il faut dire que le groupe n’avait croisé âme qui vive depuis que la rumeur sur la recrudescence d’attaques de convois avait passablement mis le gnome mal à l’aise, et il ne lui en fallait pas beaucoup.
Brân, au milieu du convoi, avait les sens en alerte et il fut le premier malgré la distance à discerner le bruit. C’était un clapotis lointain d’abord, puis de plus en plus fort… et régulier. Vadéril arrêta la voiture et descendit lorsqu’il le perçut également. Le bruit devint très audible…
« Un cheval » fit Brân qui venait d’apparaître à côté de Valdéril et Valyria, le paladin ne tiqua pas mais la magicienne sursauta au son de la voix grave du jeune homme.
-« ça ne vous arrive jamais de vous faire annoncer, vous m’avez fichu une de ces frousses ! »
-« désolé » répondit le rôdeur sur un ton monocorde « celui qui chevauche à une pareille allure dans une pareille purée de pois est complètement inconscient » poursuivit-il.
-« ou bien il sait que nous sommes là « ajouta Valyria.
Elle n’eut pas à demander, chacun avait déjà apprêté ses armes le martèlement des sabots était tout proche. Lorsque enfin le cavalier apparut il avisa juste à temps les voyageurs et tira sur les rênes comme un désespéré manquant se faire projeter contre le chariot de tête. Apalis le maître de caravane lui hurla force injures, mais le cavalier, un jeune homme aux cheveux brun foncés et à la mine tirée ne l’écouta point et se rangea sur le côté pour laisser passer le convoi ; néanmoins, il semblait visiblement très pressé car il tapotait nerveusement sur le pommeau de sa selle.
- « Holà qui êtes vous donc pour prendre des risques aussi insensé sur la route ? » dit Valdéril qui s’était approché de lui
- « Courrier Monsieur et qui ne souffre aucune attente »
-« Courrier et quel sorte de courrier ? » ajouta Valyria
-« Cela ne vous regarde pas » cracha sèchement le messager, « l’éthique de ma profession implique le secret absolu »
- Valyria qui n’avait visiblement pas l’habitude qu’on lui parle de façon aussi abrupte était devenue rouge de colère, Valdéril lui posa une main sur son bras pour lui signifier de se calmer.
-« Il est aussi de coutume que les messagers se montrent plus courtois envers les voyageurs, je n’aime pas le ton que vous employez ! »
-« mon ton me regarde Monsieur, je suis un honnête travailleur et n’ai pas l’intention de me laisser dans ma mission par qui que ce soit et sauf votre respect votre compagne n’a pas à me questionner comme un vulgaire bandit ! »
-« Il est louche, on devrait vérifier son courrier, c’est peut être un bandit déguisé » dit Valyria à voix basse
-« je n’aime point non plus son attitude, mais ce type de pratiques est intolérable et nous n’avons pas de preuves… » Lui dit le chevalier à voix basse
-« tu attends que ses copains planqués dans les fourrés et qui ont eut cinq bonnes minutes pour nous ajuster te donnent la réponse ? » répondit de manière cinglante l’ensorceleuse.
-« On s’en fout ! »
-Valyria réprima un nouveau cri d’effroi, c’était Rek qui venait de se poster derrière eux…
-« arrêtez cela ou je ne répond plus de rien ! » fit la jeteuse de sorts reprenant son souffle une main sur le cœur.
« Désolé mademoiselle mais je pense que vous ne devriez pas attacher à ce malandrin plus d’importance qu’il n’en a. Mais vous tremblez ! Vous avez froid ? Je peux vous prêter mon gilet et même d’avantage… »
« Non inutile vraiment, mais merci de votre prévenance mon bon Rek. Bon très bien laissons-le, mais vous verrez que j’ai raison, il était louche. Enfin… »
Dés le dernier chariot passé le cavalier fonça à bride abattue et disparu dans le brouillard laissant l’ensorceleuse songeuse…
La caravane repris sa route. Après quelques heures encore, le groupe se dit que Pont-en-Clerves ne devait plus être très loin, mais le brouillard rendait toute estimation difficile.
Brân entendit alors des voix, tout le monde prêta l’oreille… Des rires et des discussions, visiblement des gens qui ne cherchaient pas à être discrets. Rapidement on distingua des formes sur la droite, quatre hommes. Les aventuriers étaient sur le qui-vive. Les hommes étaient grands et bien bâtis, ils portaient des tuniques simples et une hache… Des bûcherons sans doute… ou des ruffians.
« Bien le bonjour » fit le premier d’entre eux, un type à la barbe et aux cheveux en bataille.
« Sa fait du bien de voir un nouveau convoi, j’espère que vous avez fait bon voyage ? »
« Très bon merci », répondit froidement Valyria « et vous êtes ? »
« Je me nomme Matthieu, moi et mes compagnons nous revenons d’une journée de dur labeur dans la forêt, il nous reste encore quelques arbres à couper et nous pourrons rentrez chez nou.
« J’en déduis que Pont-en-Clerves est toute proche alors ? »
« Mais oui à environ 15 minutes d’ici en suivant la route. Maintenant veuillez nous excuser, nous avons encore un peu de travail. »
« Les types traversèrent le convoi passant à côté des aventuriers toujours vigilants.
Assis sur une caisse de fruits rouges entrain de mangé une pomme Fastok observa que les hommes en questions semblaient intéressés par le contenu des chariots car ils jetaient des coups d’œil discrets mais appuyés au passage. Ils avaient l’œil pour ce genre de détails. Il sentit l’espace d’un instant une tension presque imperceptible, pourtant même Rek avait la main crispée sur la garde de son armeet Fjald posait un regard calme mais inquisiteur sur les nouveaux venus. Il semblait que quelques chose pouvait se produire a tout moment. Mais finalement les paysans repartirent dans la forêt de l’autre côté. Fastok souffla, et se dit que sa méfiance n’avait doute pas lieu d’être. Le convoi repris sa route, mais Fjald et Valyria eux conservaient cependant un air renfermé, et ils ne quittaient pas des yeux la futaie embrumée.
Au final, il ne se passa rien de notable et, à la vue du moulin à eau de Pont-en-Clerves, ce qui restait de tension se dissipa et les compagnons se détendirent enfin : ils avaient accompli leur mission.
La bourgade de Pont-en-Clerves avait l’air insouciant, mais pourtant fragile de toutes ces communautés fermières de Damarie. L’obscurité se faisait de plus en plus présente, le froid était mordant les compagnons n’avaient qu’une hâte se reposer au près d’un bon feu. Rek, en mercenaire avisé et expérimenté fût le premier à rompre le silence : « Bon ben au lieu de ré vasé si on allaient récupérer notre or ? A moins que sa ne vous intéresse plus ? Dans ce cas je me ferais un plaisir de vous débarrasser de ce poids. »
« Cela vous ferait très plaisir, mais non merci. » répondit Valyria.
Après avoir demandé leurs chemin à un passant, les aventuriers se retrouvèrent devant une grande bâtisse un grès rose à la charpente robuste et possédant plusieurs dépendances : le siège locale de la guilde des marchands.
Un jeune valet en livré de la guilde offrit une bière (qui arracha un grognement de contentement à Fjald) au mercenaires fourbus, le tout au coin d’un feu agréable et assis sur des sièges aux conforts moyen mais qui leurs semblaient ce du palais d’un sultan Calimshite.
Au bout de 10 minutes un petit homme à l’allure de fouine, entièrement chauve et au dos voûté se présenta à eux :
« Bien le bonjour » entama t’il sur un ton obséquieux et presque moqueur « je me nome Ritius, je dirige cet établissement. Vous êtes nouveaux ? Je ne vous est jamais vu ? »
« En « effet répondit Rek c’est la première foi que nous venons ici mais nous ne sommes pas à notre première escorte, enfin pour certain… »
« Je vois, voici la prime de transport promise. Si vous cherchez d’autres travaux du même genre je peux vous en proposer. »
« Pourquoi pas, pour quand ? » interrogea Rek.
« La semaine prochaine, à partir de mardi. »
« Nous étudierons la questions car nous pensons rester ici quelques temps. »
« Très bien, vous savez ou me trouvé. Je vous souhaite une bonne continuation. L’auberge du maire de la ville, Jarel Kanrov est la seule de Pont-en-Clerves mais elle est confortable.
Ainsi renseigné nos compagnons se dirigèrent vers l’auberge qu’ils avaient repéré auparavant en traversant le village. Un homme robuste, la quarantaine au vêtements fonctionnels mais élégants accompagné d’un soldat, à la mine renfrogner et arborant une épaisse moustache se portait à la rencontre de notre petit groupe.
-« salutations aventuriers, je suis Jarel Kanrov, maire de ce village, moi et le capitaine Karos ici présent avons crus bon de vous rappeler les règles de la bonne tenue en ville… »
-« nous connaissons déjà ces règles et je vous assure quelles seront respectées à la lettre. Puisque vous êtes Jarel Kanrov, alors vous êtes celui que nous recherchons » répondi Valdéril « c’est le gouverneur Antonus Belzar qui nous envoie à vous Monsieur, nous venons vous délivrer ce pli de sa part et nous mettre à votre disposition pour enquêter sur l’affaire des brigands »
-« mais tu crois pas que ce serait… Aïe ! » Commença Rek rapidement coupé par un coup de pied de Valyria. Et suivi par un gloussement amusé de Fjald.
-« vous êtes envoyés par Belzar ? Parfait, alors nous sommes particulièrement heureux de vous voir n’est ce pas Menéius ? » Répondit le bourgmestre en regardant le capitaine « je vous invite à poursuivre cette conversation dans mon auberge, il fait froid ici et la nuit va tomber dans quelques dizaines de minutes. Si vous voulez bien me suivre, c’est par ici.
Attablé devant des thés sucrés chauds, nos aventuriers se laissaient bercer par la chaleur de la grande salle de l’auberge de Jarel. L’établissement n’était pas un palace, mais il avait un charme champêtre qui ne laissait pas indifférent. Quelques gens du commun jouaient aux cartes. Valyria les détailla au départ assez succinctement puis remarqua que tous partaient des haches, des bûcherons… » Tiens, tiens, se dit-elle mais aucun ne ressemblait à ce que le groupe avait croisé précédemment.
-« ces manants sont des filous rusés. » dit le maire « nous ne savons pas du tout ou ils se trouvent et les recherches se sont révélées vaines jusqu’à présent. »
-« pourquoi faire appel à des aventuriers alors ? » rujis un homme d’environ quarante ans au visage sinistre et à la barbe noire qui était attablé au bar. « Ce sont des gens comme ceux là qui déshonorent notre nation et qui maintiennent l’anarchie. »
-« je sais ce que tu penses Zédicar mais tu dois comprendre que… »
-« toi tu ne comprends rien Jarel, je t’ai dit que je ne cautionnait pas çà et je ne l’admettrait pas » sur un dernier regard venimeux aux compagnons, il sortit.
-« excusez le, Zédicar, n’aime pas les étrangers et encor moins les aventuriers, mais c’est un brave type. »
-« si vous le dite … » répondit ironiquement Valyria.
-« bien je vais donc vous exposer tout ce que nous savons sur ces brigands. Ils sont quelque part dans les environs c’est certain mais nous n’avons jamais découvert leur campement, ils sont rusés et ils ne laissent jamais personne de vivant derrière eux. »
-« leurs attaques ne suivent aucune logique, ils peuvent s’en prendre un jour à un convoi vers Clèrves et ne plus agir pendant un temps avant d’en attaquer un autre partant vers Valls… » Ajouta Karos.
-« dites moi M. le maire, je ne voie pas les 4 bûcherons que nous avons vus à 3km de la rivière ce matin, ils ne sont pas encore rentrés ? » demanda tout à coup Valyria.
-« quels bûcherons ? » j’ai interdit aux bûcherons de travailler aussi tard tant que le problème des bandits n’aura pas été résolu, ils étaient tous rentrés depuis 2h avant que vous n’arriviez ! » Répondit le bourgmestre visiblement surpris.
-« tiens don… » Et elle décrivit au bourgmestre les étranges rôturiers qu’ils avaient rencontré avant d’arriver au village. Jarel assura ne jamais les avoir vu ici.
-« c’étaient eux ! » cria Valyria en donnant un coup de poing à l’épaule de Valdéri, « on aurait pu les avoir ! Ah tu es fier de ne pas m’avoir écouté hein ?! Une fois de plus tu n’en as fait qu’à ta tête ! Hein ?! » Le paladin n’en menait pas large.
-« Bah, vous ne pouviez pas savoir, et puis ce qui est fait est fait. Je suis certain que ces malandrins avaient pris leurs dispositions au cas ou vous les auriez attaqué » dit Karos posément. Je suis sûr que vous aurez une autre chance de les coincer ».
La discussion se poursuivit ainsi pendant plusieurs minutes Daphnée cherchant notamment à en apprendre le plus possible sur les lieux d’attaques et les éventuels tactiques employées par les bandits. Alors que Rek s’ennuyait ferme et avait du mal à se tenir éveillé et que la troisième tournée de boissons se préparait, une volée de sanglots déchirants coupa court aux conversations. Deux femmes venaient d’entrer dans l’auberge.
L’une d’elle, une ravissante jeune femme aux cheveux blonds courts et arborant une robe blanche ains que le symbole d’Illmater soutenait un autre femme, plus âgée elle (la trentaine) visiblement éplorée. Le maire se leva immédiatement pour aller voir ce qui ce passait.
Il fallut que Fjald referme la mâchoire tombée de Rek lorsqu’il vit la jeune femme en blanc.
« Elle est tellement belle ! » dit il.
« Groumph ! Tu crois que c’est le moment ?! » Gronda Fjald.
« Non, je veux dire que nous pourrions peut être les aidés … »
« Tiens donc ? Toute à coup sa t’intéresse d’aidé les gens ? »
Jarel discuta un moment à voie basse avec les deux femme puis il tourna la tête vers les aventuriers, poursuivit sa discussion encore quelques minutes, puis pris congé d’elles avant de retourné voir les compagnons.